1 Comment

  1. paddy et mamy
    3 décembre 2012 @ 18 h 52 min

    peut etre que celas va vous aider paddy apprecie cette grande ecrivaine

    Mardi 23 février 2010

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    Le secret de Marguerite Duras

    Quatre hommes ont particulièrement marqué la romancière, dotée, paraît-il, d’une grande sensualité. On l’apprend grâce à la publication de ses derniers textes inédits.

    Sensuelle – «terrienne», précise même Jean Vallier1 – Marguerite Duras fut une grande amoureuse, à l’égal de Germaine de Staël ou de Colette. Elle qui, au sortir des lectures d’enfance, avait cru qu’à l’exemple des héroïnes des romans sentimentaux on ne pouvait dire «Je t’aime» qu’une seule fois dans sa vie, laisse le souvenir d’une femme qui eut des amours, des aventures, des passades, sans toutefois terrasser ses démons: l’alcool, la solitude, la crainte de la folie.

    Quatre hommes dominent sa vie amoureuse qui, outre la famille Donnadieu, font la trame et le grain de son œuvre. Il y a Robert Antelme qu’elle épouse en 1939 puis Dionys Mascolo rencontré en 1942, ami du couple et amant. «Entre ces trois êtres d’exception, rapporte Maurice Nadeau dans Journal en public, existent des rapports de profonde amitié, de respect mutuel et de totale liberté sexuelle.» Non sans amertume pour Robert Antelme, résistant revenu à demi-mort de déportation et qu’elle immortalise dans La douleur, qu’auraient tourmenté les infidélités de Marguerite.

    Viennent ensuite Gérard Jarlot puis, après un long désert, Yann Andréa, l’ «amour impossible» qui l’accompagna jusqu’à sa mort le 3 mars 1996.

    Mais où vont-ils les hommes, quand ils s’en vont? Ceux de Duras ne vont jamais loin. Elle tolère la séparation, mais en aucun cas la rupture, l’abandon, la perte ou l’oubli. Ainsi, rappelle Alain Vircondelet2, Duras avait-elle pu se séparer de Dionys Mascolo «mais sans vraiment le quitter», avant de s’éprendre «éperdument» de Gérard Jarlot.

    Il reste à soulever deux énigmes. Pourquoi la «ravissante» Marguerite qui, cherchant en juin 1944 à obtenir le permis d’envoyer un colis à son mari détenu à Fresnes, sut «papilloter des yeux» pour attendrir un milicien de la rue des Saussaies, souligne-t-elle si peu dans ses écrits son pouvoir de séduction?

    «Duras a beaucoup aimé les hommes, confirme encore Jean Vallier. Elle adorait faire l’amour.» Dès lors, comment expliquer – et sous cet angle Duras diverge radicalement d’une Anaïs Nin rompue au réalisme lyrique – le ton médiocrement ou nullement érogène qu’elle emploie à évoquer ou à décrire les stricts épisodes d’amour physique? La scène est perçue en retrait ou à distance, à partir du point de vue du tiers (position de Lol V. Stein). Ou elle est décrite cliniquement; il s’en dégage un parfum d’échec chirurgical. A moins qu’elle ne soit juste mentionnée comme un incident qui dure, dont on serait séparé et dont on ne peut rien savoir: «Il le fait»; ou comme un constat de catastrophe: «C’est fait», «C’en est fait». En vérité l’érotisme de Duras est vif partout ailleurs: paysages et atmosphères.

    Un homme a dissipé l’énigme et donné raison à la romancière: Jacques Lacan, qui se félicita qu’elle puisse attester de son savoir sans le savoir. Si Duras est désarmée quand il s’agit d’écrire l’acte d’amour, c’est parce que c’est la seule occasion où il lui est absolument interdit de mentir. Les êtres humains peuvent faire l’amour en couple ou en bande autant de fois et dans toutes les circonstances et positions possibles, soutient Lacan, il n’y a pas de rapports, sauf entre les fantasmes – là où se rencontre la parole.

    Que le père ait manqué à la jeune Marguerite Donnadieu, ce père décédé loin des siens alors qu’elle n’avait que quatre ans et qui l’aurait aidée à conjurer l’angoisse de mort face à la mère toute-puissante, on vient d’en trouver un indice flagrant et bouleversant grâce à la publication de la première version (1943) de L’amant (1984) incluse dans ses Cahiers de la guerre, chez P.O.L3. Ayant dit à Léo quel dégoût avait provoqué son baiser sur la bouche, l’adolescente se blottit sous son bras. Et s’étonne d’y trouver soudain la paix: «Je trouvais ce bras inoffensif et bon. Il ne me voulait aucun mal, il voulait bien de moi, je m’en arrangeais pour me consoler.» Ou le cri d’une jeune fille quêtant la tendresse du père trop tôt et cependant jamais tout à fait disparu…

    1. C’était Marguerite Duras (t.1, 1914-1945) par Jean Vallier, 704 p., Fayard, 27 euros.
    2. Sur les pas de Marguerite Duras par Alain Vircondelet (illustré par A. Steinlein), 98 p., Presses de la Renaissance, 26,50 euros.
    3. Cahiers de la guerre et autres textes par Marguerite Duras, 490 p., P.O.L/Imec, 22 euros